Les origines de l’Art du Pastel
Les origines sont confuses. C’est une invention française
si l’on se rapporte au témoignage de Léonard de Vinci qui l’aurait appris
de Jean Pérréal en 1499. Nous ne connaissons aucune œuvre de Pérréal, nous
savons seulement par une lettre de l’artiste datée de 1511 qu’il aurait exécuté
le portrait de l’épouse de Louis Baranger, secrétaire de Marguerite
d’Autriche.
Le plus ancien dessin où apparaissent des traces de
pastel est français, c’est une étude pour le portrait de Jouvenel des Ursins
exécuté vers 1465 par Jean Fouquet, traitée en « demi-couleur ».
Suivent des artistes dessinateurs comme les Clouet
,Nanteuil qui rehaussent leurs dessins au crayon de quelques rares couleurs.
Le XVIème siècle verra de grands artistes employer le
pastel : l’Ecole Allemande, Lucas Granach, Hans Holbien sous
l’influence de Jean Clouet ; la hollande avec Goltzuis ; en Italie,
après Vinci, seul Barorche est digne d’être cité.
La gamme de couleurs s’enrichit avec François Quesnel et
les Du Monstier. On voit apparaître des rouges, des ocres, des bleus et des
roses. Claude Mellan reprend la tradition de la demi-couleur et obtient des œuvres
gracieuses et pleines de charme.
A la fin du règne de Louis XIV la technique se développe
grâce à des coloristes comme Charles de la Fosse et les Coypel.
Gauthier de Nismes nous livre la nouvelle manière de procéder
des pastellistes : « ils exécutent le dessin par des traits colorés ,
si bien que l’œuvre paraît extrêmement grossière, puis estompent avec un
morceau de papier roulé pour faire fondre les couleurs ».
Cette pratique de l’estompage fait perdre au pastel
son caractère graphique et le conduit dans la voie de la peinture.
L’âge d’or de l’Art du Pastel.
C’est au XVIIème que l’art du pastel
devient une véritable peinture avec Joseph Vivien, Jean-Marc Nattier,
Charles-Antoine Copeyl. Ils ont tracé le chemin des grands artistes du VXIIIème
siècle, Maurice Quentin de la Tour, Jean-Baptiste Perronneau, Siméon Chardin,
François Boucher, Jean-Baptiste Greuze, Louis Vigée, Joseph Boze.
Il faudrait citer aussi Jean Valade, Alexis Loir, Claude
Hoin et Pierre-Paul Prud’hon, Mesdames Labille-Guiard, Vigée-Lebrun,Roslin,
talents éblouissants.
De nombreux artistes étrangers résident et travaillent en
France, leurs noms restent attachés à l’histoire du pastel :
l’italienne Rosalta Carriera, les suédois Gustave Lungberg, Alexandre Roslin,
Pierre Adolphe Hall, le suisse Jean Liotard.
A cette époque, Paris compte à lui seul plus de 200
pastellistes dont beaucoup,pratiquement ignorés de nos jours, mériteraient de
sortir de l’ombre.
La vogue des portraits au pastel s’éteint peu à peu
avec les dernières années du XVIIIème), comme l’a écrit Albert
Besnard dans son ouvrage sur La Tour :
…
« Les grandes époques guerrières sont venues, l’on a plus le
temps de poser. Emporter au camp le pastel d’une amie ou d’une épouse, il
n’y faut guère penser. La miniature est là, qui, enfermée dans un écrin,
peut se porter sous l’uniforme, à la place du cœur, comme une amulette »…
XIXème & XXème siècles
L’art du pastel n’est plus en vogue.
Pourtant, dans les dernières décennies du XIXème
quelques pastellistes exécutent de vastes portraits en pieds des dames de la
haute bourgeoisie ou des demi-mondaines qui hantent les plages à la mode .
Ignorées aujourd’hui du grand public, les œuvres de ces pastellistes étaient
dignes de ceux du XVIIIème siècles.
Crée en 1870, la Société des Pastellistes est animé en
1885 par Albert Besnard, académicien et Président – qui exposera
d’illustres artistes, comme Helleu, Levy, Puvis de Chavanne , Henri
Gerveix membre de l’institut et second Président, Berthe Morisot, Toulouse
Lautrec, Degas, Marie Cassatt et plus près de nous, Guirand de Scevolla,
Tournon, Jules Chéret, Madame Couet.
Les artistes de la fin du XIXème et ceux du
XXème siècle, Renoir, Millet, Picasso, Matisse se sont adonnés au
pastel, mais aucun d’eux ne s’y est réellement
consacré.
La fabrication du pastel
La première recette de fabrication du pastel se trouve
dans un ouvrage français, le Syntaxeon mirabilis de Grégorius en 1574 : …
« Les peintres façonnent les crayons de couleurs en forme de cylindre et
les roulent avec un mélange de colle de poisson, de gomme arabique ou de miel
de figue, ou de petit lait. »…
Au XVIIème M. le Prince Robert, frère du
Palatin donne une autre recette pour faire des crayons aussi fermes que de la
sanguine :… « Prenez de la terre blanche pour faire les
pipes à tabac, broyez là sur de la porphyre ou de l’écaille avec de l’eau
commune, en sorte qu’elle soit une pâte ; prenez des couleurs que vous
voudrez et les broyerez sèchement sur la pierre le plus fin que vous pourrez,
puis les passer dans un taffetas ou une toile fine, et mêlez chaque couleur
avec la pâte, selon que vous voudrez la colorer plus ou moins ; ajoutez-y
un peu de miel commun et de l’eau de gomme arabique à discrétion.
Il faut pour chaque couleur en faire de plus ou moins
foncées, pour faire les clairs et les ombres. Puis prenez chacune de vos pâtes
et en faites des rouleaux gros comme le doigt, laissez sur du papier à
l’ombre pendant deux jours ; puis pour achever de les sécher il faut les
exposer au soleil ou au feu »…
Plusieurs autres recettes préconisent l’emploi…
« de
blanc de plomb ou de céruse, de blanc d’Espagne, de talc calciné ou de craie
blanche, réduit en poudre pour préparer la pâte »… « on y
mêle parfois un peu de savon pour les rendre plus doux »…
Le traité de peinture au pastel de 1788 parle des pastels
les plus utilisés : crie de Troies, ochre jaune, ochre de rue, stil de
grain jaune ou doré, cinabre en pierre, carmin, laque fine carminée, bleu de
Prusse, terre d’ombre, terre de Cologne, noir d’ivoire »…
Les peintres fabriquaient leurs pastels. Ces préparations
longues et délicates furent commercialisées par des artisans …
« les pastels de Lausanne paraissent avoir joui d’une grande réputation,
on en importe de Francfort, d’Augsbourg, de Nuremberg »…
En 1757, un pastelliste allemand, Reifstein met au point un
nouveau pastel qu’il appelle « pastel à la cire » : on réduit
les couleurs en poudre très fine, on les met ensuite dans un vase qu’on
chauffe à petit feu, et sur des couleurs ainsi préparées, on jette de la cire
fondue avec une certaine quantité de graisse de cerf…on forme les crayons et
on les jette à mesure dans l’eau froide »…
Actuellement la fabrication du pastel bénéficie de la
chimie moderne, du dosage précis des colorants de synthèse et de colles
chimiques. Les progrès sur la régularité des fabrications à perdu en variété
de gamme.
Les supports
Longtemps les peintres se servirent de papiers blancs, car
les papiers préparés retenaient mal les poudres avant d’utiliser des
supports bleus, gris et brunâtres. Les papiers assez forts et d’un grain fin,
étaient collés sur une toile préparée et montée sur châssis. « …parfois,
les artistes peignaient sur papier de tenture, sur vélin dont on avait poncé
d’épiderme, sur du taffetas, voir même sur du bois ou du cuivre »…
Aujourd’hui le support traditionnel sont les papiers
mi-teintes et les cartons Card ( support pumicif carton enduit de poudre de liège)
Les fixatifs
Paul Ratouis de Limay, dans son ouvrage « le pastel
en France au XVIIIème », nous fait découvrir que la fixation
du pastel a été l’une des grandes préoccupations du XVIIIème, ces recherches
passionnèrent les savants, les artistes et les amateurs.
Recette d’Antoine-Joseph Loriot, Mécanicien du Roi :
… « son fixatif était composé de colle de poisson dissoute
dans de l’eau tiède et d’esprit de vin…Il faisait jaillir cette préparation
à l’aide d’une vergette en rosée très fine sur le pastel disposé
verticalement distant de 60 cm, il pliait les soies de la brosse et les laissait
s’échapper, elles répandaient sur la peinture des gouttes de liqueur qui la
recouvraient toute entière »…
Les fabricants nous offrent aujourd’hui de nombreux
fixatifs de bonne qualité et d’un emploi aisé.
Technique du pastel
De Piles décrit en 1774 la technique des pastellistes…
« Il faudra premièrement dessiner le sujet bien correctement, en
arrêter les contours et mettre chaque chose à sa place ; après quoi
l’on commencera par mettre les jours (les clairs) et les ombres par de grandes
masses en passant sur le papier les couleurs que le sujet demande »…
S’il s’agit d’un portrait… « il faut
appliqué les clairs en hachant de plusieurs sens, comme lorsqu’on dessine,
puis aussitôt exprimer en gros les grandes et principales ombres, observant de
ne pas faire aussi clairs qu’ils doivent être, ni les ombres aussi brunes
qu’il les faut .
De cette manière on voit d’abord l’ensemble de la tête,
après quoi on en vient aux parties comme les yeux, le nez, la bouche, auxquels
on donne la forme, la couleur qu’elle doivent avoir, par le moyen des jours,
des demi-teintes et des ombres. La tête est ébauchée, on fait toutes les
recherches des parties avec des pastels bruns, roussâtres et rougeâtres,
donnant aux ombres les forces nécessaires suivant l’objet qu’on
demande…On observera aussi de donner les reflets bien à propos et d’une
force convenable pour bien marquer les rondeurs »…
Ensuite les masses de lumière et d’ombres, les passages
de lumières tamisées jusqu’à l’ombre la plus profonde étaient estompés
avec le doigt ou des estompes.
… « Les pastellistes du XVIIIème ne se
servaient presque jamais , comme dessous, que de tons légers ; sous les
masses d’ombre, ils étendaient parfois une mince couche de sanguine, évitant
d’alourdir leurs pastels en les empâtant »…

Ce
résumé sur l’histoire du pastel est le fruit des recherches et extrait
d’une conférence de Jean-Pierre Mérat , Président de la Société des
Pastellistes de France.
Ouvrages de références : Pierre Lavallee « les techniques du dessin »
Ed. Van Oest, 3&5 rue du Petit Pont –Paris 5—1949
Paul Ratouis de Limay (conservateur bibliothèque arts décoratifs)
« le pastel en France au XVIII siècle » Ed. Baudinière, 27 bis du
Moulin-Vert—Paris 14 --1946